Le point sur les dispositifs actuels
La gestion des compétences est un outil opérationnel de ressources humaines, qui a pour but d’optimiser les performances et la compétitivité d’une entreprise, en faisant coïncider les compétences dont elle a besoin avec celles dont elle dispose, dans une optique gagnant-gagnant.
Parmi les dispositifs en vigueur, l’entretien professionnel, obligatoire et réglementé, vise à accompagner le salarié dans ses perspectives d’évolution professionnelle – qualifications, changement de poste, promotion, etc. – et à identifier ses besoins de formation. Légalement, il doit avoir lieu tous les deux ans. Tous les six ans, l’entretien professionnel doit faire un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.
Autre dispositif classique et reconnu : l’entretien annuel d’évaluation. Facultatif, il vise à apprécier les aptitudes professionnelles des collaborateurs et collaboratrices. Il doit être objectif et transparent (pas de critères d’évaluation discriminatoires, ni susceptibles de générer du stress) mais peut prendre des formes distinctes (système de notation, répartition des salariés en différentes catégories, entretien en face-à-face). Les résultats sont confidentiels : seul le salarié concerné peut en avoir connaissance.
La formation enfin, est aujourd’hui le meilleur moyen de développer et de fidéliser les talents en entreprise : 82,8 % (Baromètre ANDRH, 2016) des PME françaises l’utilisent en ce sens. La réforme de la formation professionnelle entrée en vigueur le 1er janvier 2019 apporte des changements : les comptes personnels de formation ne sont plus crédités en heures mais en euros.
Les salariés du secteur privé ont accès à plusieurs dispositifs : certains leur permettent de choisir librement leur formation – le congé individuel de formation (CIF) disparaît au profit du compte personnel de formation (CPF) de transition professionnelle, qui permet à tout salarié de demander la prise en charge d’une action de formation destinée à changer de métier ou de profession – d’autres sont encadrés par l’employeur – plan de formation ou période de professionnalisation.
Même si ces dispositifs ont le mérite d’exister, leur efficacité est parfois remise en question, en raison de leur rigidité et de leur caractère trop formel. 95 % des salariés, par exemple, ne sont pas satisfaits de la méthode d’évaluation des compétences de leur entreprise et 50 % des collaborateurs déclarent qu’on ne leur donne pas un feedback satisfaisant sur les points d’amélioration (Deloitte, mars 2017).
Gestion des compétences : de nombreux avantages, encore sous-estimés
Les effets bénéfiques d’une gestion efficace des compétences, encore ignorés par certaines entreprises, sont bien réels. En termes de fidélisation des talents, d’abord : un collaborateur qui apprend, qui se forme et se sent à sa place, est plus épanoui et moins susceptible de changer d’employeur. Résultat : des taux de turnover réduits et une marque employeur plus attractive. Par extension, c’est la performance globale de l’entreprise qui se voit renforcée.
Johan Guej, le P-DG de Klanik (250 collaborateurs), société de conseil dans le digital, avec une croissance de 50 % par an, a fait de la gestion des compétences une priorité : “Je suis convaincu qu’un intérêt sincère porté à l’épanouissement des collaborateurs permet aux entreprises de générer plus de croissance et plus de richesse.”
“L’enjeu de la gestion des compétences est de trouver l’adéquation entre compétences requises par l’entreprise et compétences disponibles au sein de son capital humain, afin de connaître et d’exploiter le potentiel de ses équipes.”
Judith Castro, consultante relations entreprises, Apec
Autre atout majeur : l’adéquation des compétences avec les besoins de l’entreprise. Pour atteindre ses objectifs et mettre en œuvre sa stratégie, celle-ci doit disposer des savoir-faire adéquats, au bon moment, au bon endroit. Pas toujours facile, sachant que les besoins évoluent très vite, avec l’apparition de nouveaux métiers engendrée par les innovations numériques.
Le groupe Manutan (600 collaborateurs en France), ETI familiale spécialisée dans la vente d’équipements pour les entreprises et collectivités, l’a bien compris : “Développer nos collaborateurs a toujours été dans l’ADN de Manutan”, affirme son dirigeant Xavier Guichard. Le groupe a mis en place des initiatives comme l’université accessible à tous les collaborateurs, quel que soit leur métier, âge ou statut, ou le bonus individuel pour tous afin de récompenser la performance et l’excellence.
La politique de gestion des talents se heurte toutefois à certains freins, tels qu’un manque de budget pour mettre en place de nouveaux processus ; des ressources humaines et des outils insuffisants pour évaluer et accompagner les talents ; un manque d’implication des managers, ou encore des résistances au changement.
Un management qui place le collaborateur au cœur de l’entreprise
La condition sine qua none d’une bonne gestion des compétences ? Bien connaître ses collaborateurs. Savoir évaluer leur potentiel, leur performance, leur degré de satisfaction afin d’adapter au mieux leurs compétences et aspirations aux besoins de l’entreprise.
Dans cette optique, le manager direct joue un rôle clé et peut mettre en place quelques pratiques simples : échanger, en équipe, sur les compétences manquantes pour remplir les objectifs fixés, puis déterminer individuellement avec chaque collaborateur la compétence qu’il souhaiterait développer. Le manager peut ensuite instaurer un plan d’action adapté – travail en binôme avec un collaborateur d’une autre équipe maîtrisant bien la compétence en question, ou un plan de formation.
De nombreuses idées adaptables et peu chronophages peuvent aussi venir de sa propre équipe, pourvu qu’elle ait la liberté de partager son opinion et qu’elle ait envie de coconstruire cette dynamique avec la hiérarchie.
La priorité est au management de la performance
Certaines entreprises remettent en question les process classiques et revoient totalement leur approche de l’évaluation des collaborateurs pour améliorer l’engagement de leurs équipes. L’enseigne américaine de vêtements GAP (800 collaborateurs) a ainsi mis en place des évaluations trimestrielles, sur la base des objectifs que se fixe chaque salarié : ni notes, ni classements et la possibilité de reprendre contact avec son évaluateur pour un débrief informel. L’objectif est de pouvoir corriger rapidement ce qui doit l’être.
Pour Isabelle Harlé, consultante indépendante en management, un entretien réussi “est celui d’où chacun ressort avec le sentiment qu’il n’y a pas eu d’escroquerie, de paroles mielleuses ou complaisantes. Le manager a un vrai contrat d’objectif avec son collaborateur, et le collaborateur a des repères pour travailler”.
Phytocontrol (250 collaborateurs), laboratoire d’analyses qui a recruté massivement en 2018, a décidé de repenser ses supports d’évaluation, jugés trop datés, formels et rigides. En collaboration avec Judith Castro, consultante de l’Apec, et avec les managers de l’entreprise, la DRH a développé début décembre 2018 un outil digital sous la forme d’un jeu de cartes, pour faire de l’entretien annuel un moment ludique. Ce jeu permet de bien définir les critères d’évaluation, mais aussi de mieux conserver et retrouver les résultats (demandes de formations, pistes d’amélioration, etc.). Pour Amandine Puech, DRH chez Phytocontrol, “l’objectif de l’outil est de faire monter les managers en compétences et de les responsabiliser. Le management n’est pas inné pour tout le monde et, pourtant, il faut qu’ils y prennent du plaisir. Ce nouveau mode d’entretien annuel est un bon moyen d’y parvenir !”
“Le management n’est pas inné, pourtant, tous doivent y prendre du plaisir.”
Amandine Puech, drh chez Phytocontrol
Meilleure adéquation des compétences avec les besoins de l’entreprise, meilleur calibrage des compétences et aspirations des collaborateurs avec les exigences des postes, meilleur engagement des collaborateurs, et, par conséquent, plus de bien-être en entreprise, la gestion des compétences apporte un vrai bonus à tous les niveaux. Alors à vous de jouer !
50 % des collaborateurs déclarent qu’on ne leur donne pas un feed-back satisfaisant sur les points qu’ils pourraient améliorer.
Source : Deloitte, mars 2017
95 % des salariés ne sont pas satisfaits de la méthode d’évaluation des compétences de leur entreprise.
Source : Deloitte, mars 2017
90 % des entreprises qui ont revu leur système d’évaluation de la performance ont constaté un meilleur niveau d’engagement chez leurs collaborateurs.
Source : Deloitte, mars 2017